Pourquoi évaluer les impacts ?
Evaluation avant projet
- Assurer un dimensionnement approprié
- Anticiper les changements sur les exploitations en prenant en compte les impacts potentiels
- Valider les choix collectifs avant de se lancer dans la réalisation
Evaluation en cours ou en fin de projet
- Prendre conscience des valeurs générées par le projet collectif
- Prendre du recul sur le chemin parcouru, sur le fonctionnement du groupe et ses perspectives
- Collecter des informations pour pouvoir rendre des comptes aux financeurs (ex : capitalisation GIEE et AEP)
- Évaluer les gains en durabilité et en autonomie des évolutions de pratiques et de systèmes
- Pour faire le lien avec des attentes de la société et des pouvoirs publics
- …
Vous trouverez dans cette partie une liste non exhaustive de ce à quoi vous pouvez vous attendre en mettant en place un séchoir collectif. A noter que pour générer les valeurs souhaitées, le dimensionnement du projet (et donc l’évaluation avant-projet) est déterminant.
Un projet de développement agricole a pour finalités de lever des contraintes ou d’exploiter des opportunités identifiées lors de la phase de diagnostic de l’agriculture du périmètre d’étude (parcelle->territoire). Son évaluation repose sur la comparaison de la situation « avec projet » par rapport à la situation « sans projet ». Elle comporte 3 phases :
- Formulation du projet : détailler l’ensemble des acteurs économiques impliqués dans l’opération, définir et quantifier les actions proposées (localisation, dimensionnement, caractérisation technique), et les investissements nécessaires ;
- Evaluation du point de vue de l’investisseur : il s’agit de mesurer les effets attendus du projet sur les acteurs le mettant en œuvre (agriculteurs, groupement d’agriculteurs, pouvoirs publics, etc.) – cette évaluation se doit d’être multicritère (économique, environnementale et sociale) ;
- Evaluation du point de vue de la collectivité : il s’agit de mesurer l’ensemble des effets directs (concernant les acteurs économiques mettant en œuvre le projet) et indirects (concernant les agents économiques en amont et en aval du projet) du projet à l’échelle de la collectivité (entité géographique qui peut être déterminée comme étant le périmètre au-delà duquel le projet n’a pas d’impacts) – cette évaluation se doit d’être multicritère (économique, environnementale et sociale).
Quels impacts potentiels pour un projet collectif de séchage ?
-
Agents économiques concernés directement et indirectement par le projet :
- Porteur de projet :
- groupement d’agriculteurs via une structure propre dédiée, autre investisseur privé, pouvoirs publics
- Agents économiques en amont :
- fabricants et vendeurs de bâtiments et de matériels associés au séchage et à la manutention de fourrages, fournisseurs d’énergie, et selon les modifications engendrées sur le système de production (présence au départ ou non de la légumineuse dans l’assolement et/ou dans les rations, changement de son mode de valorisation, etc.) sont concernés également les vendeurs d’intrants agricoles en général (y compris bâtiments : changement du mode de stockage, de séchage, etc.)
- Agents économiques en aval :
- selon les modifications engendrées sur le système de production (présence au départ ou non de la légumineuse dans l’assolement et/ou dans les rations, changement de son mode de valorisation, etc.) sont concernés les acteurs de la collecte, de la transformation, et de la commercialisation de produits végétaux et animaux
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Effets pressentis du point de vue de l’investisseur :
- Technique :
- Aucun si la production et le mode de valorisation de la légumineuse ne changent pas avec le projet.
Dès lors que la mise en place d’une structure de séchage collectif engendre une modification de la nature, de la quantité, de la qualité, du mode de valorisation (pâturage, ensilage, enrubannage, foin, etc., vendu ou autoconsommé) des fourrages, l’autonomie alimentaire et les performances zootechniques sont susceptibles d’évoluer, du fait notamment de :
- L’introduction d’une nouvelle culture dans l’assolement ou l’augmentation de production d’une culture déjà présente
- La réduction des pertes de récolte et l’obtention d’une meilleure qualité du fourrage, et donc derrière d’une meilleure efficience alimentaire
- L’accès à un nouveau mode de valorisation d’un fourrage
- Economique :
-
- Diversification du chiffre d’affaires via la vente d’autres produits séchés et/ou de prestations de service de séchage
- Selon l’origine de l’énergie utilisée pour le séchage : valorisation économique du coproduit (chaleur) d’une autre activité de l’exploitation
Dès lors que la mise en place d’une structure de séchage collectif engendre une modification de la nature, de la quantité, de la qualité, du mode de valorisation (pâturage, ensilage, enrubannage, foin, etc., vendu ou autoconsommé) des fourrages, les marges des ateliers végétaux et animaux sont modifiées :
- Marge de l’atelier végétal
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- Modification des charges (intrants, mécanisation, main d’œuvre, autres charges) liées à la modification de l’assolement et/ou à la modification des pratiques culturales
- Modification des produits : nouveaux produits ou arrêt de produits, changement des quantités vendues et autoconsommées, changement de la qualité de la production et donc de sa valorisation économique
- Marge de l’atelier animal
-
- Modification des charges alimentaires : modification du coût de production des ressources fourragères autoproduites, modification de la quantité et/ou de la nature des aliments achetés
- Modification des autres charges relatives à l’atelier d’élevage selon la nature des changements effectués dans la conduite du troupeau (frais vétérinaires, paillage, frais d’insémination, etc.)
- Modification des produits animaux : qualité, volume, et nature des productions vendues, ainsi que de leur mode de commercialisation
- Impact sur la trésorerie et l’endettement
- selon le montant de l’investissement initial et son mode de financement (autofinancement, emprunt, subventions) / ne pas oublier l’impact fiscal du projet !
- Environnemental :
-
- Hausse de la consommation d’énergie liée aux nouvelles opérations de transport ainsi qu’au séchage artificiel, avec un impact sur l’environnement fonction de la nature de l’énergie utilisée (fossile, renouvelable)
- Dès lors que la mise en place d’une structure de séchage collectif engendre une modification de la nature, de la quantité, de la qualité, du mode de valorisation (pâturage, ensilage, enrubannage, foin, etc., vendu ou autoconsommé) des fourrages, les impacts peuvent être:
- Modification de la nature, et/ou de la quantité d’intrants utilisés et/ou du mode d’utilisation : modification des risques de pollution (eau, sol, air)
- Modification des pollutions liées au mode de commercialisation (transport, emballage, etc.)
- Changement de pratiques : impact sur la biodiversité
- Social :
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- Réduction du temps de travail (via délégation de tâches ou optimisation des chantiers) ou valorisation du temps travaillé supplémentaire (via rémunération ou via entraide)
- Diversification des activités
- Modification des habitudes de travail (quantité et qualité), pérennité de l’exploitation (si les changements de pratiques améliorent la durabilité de l’exploitation : fertilité du sol, stocks adventices, etc.), niveau de compétences
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Effets pressentis du point de vue de la collectivité :
- Economique :
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- Hausse ou baisse du recours à des intrants importés depuis l’extérieur de la collectivité donc perte ou gain de devises pour la collectivité
- Changement de valorisation économique des productions donc augmentation ou baisse du produit intérieur brut de la collectivité
- Si subventions ou emprunts de la part de la collectivité pour financer le projet : impact trésorerie, financement autres projets, etc.
- Environnemental :
-
- Modification de la consommation d’énergie liée aux nouvelles opérations de transport ainsi qu’au séchage artificiel, avec un impact sur l’environnement de la collectivité fonction de la nature de l’énergie utilisée (fossile, renouvelable) et de son origine (produite ou non au sein de la collectivité)
- Modification de l’origine (importés ou non) et de la nature des consommables utilisés (intrants, matériels, etc.) : modification de l’impact de leur conception sur l’environnement (émission de gaz à effet de serre, consommation d’énergie, etc.)
- Modification des pollutions liées au mode de commercialisation (transport, emballage, etc.)
- Impact sur la biodiversité
- Social :
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- Modification de l’activité des entreprises de l’amont et de l’aval donc impact potentiel sur l’emploi au sein de la collectivité
- Modification de l’attractivité touristique selon évolution des productions, des modes de productions, des filières, et des modes de commercialisation
- Modification du paysage
Comment savoir si mon projet de séchoir est rentable?
Une fois toutes les questions ci-dessus soulevées, il est possible de chiffrer grossièrement le projet.
Il existe des aides à l’investissement pour des projets de séchage collectif. Prévoir un temps suffisamment long pour monter un dossier de demande de subventions et avoir en tête que les délais d’obtention des aides sont parfois longs (en tenir compte dans le modèle financier).
Enfin, les fourchettes d’investissement valables pour les projets individuels ne sont pas comparables avec les fourchettes d’investissement des projets collectifs car les besoins sont différents (presse pour reconditionner en collectif par exemple, pont bascule pour la traçabilité…) et les normes non plus (réserve incendie, normes des Etablissements Recevant du Public etc.)
Voici un ordre simplifié de réflexion concernant la vérification de la rentabilité d’un investissement collectif de séchage en grange:
- Commencer par estimer le Coût total du bâtiment :
investissement bâtiment + investissement annexes (pont bascule etc.) + investissement ingénieurie (plans, permis, urbanisme, raccordement électrique, etc.) - Subventions = Montant A €.
- Puis estimer le Coût total du matériel :
(matériel de séchage + matériel de récolte de l’herbe + presse) - Subventions = Montant B €
- Il faut ensuite calculer l’annuité que cela représente (hors main d’oeuvre) :
(Montant A x Taux d’emprunt ) / 12 ou 15 ans pour le bâtiment = Annuités A €/an
(Montant B x Taux d’emprunt) / 7 ans pour le matériel = Annuité B €/an
- Sommer les deux annuités et les diviser par le tonnage prévisionnel de fourrage séché annuellement (attention, si le séchage en grange est couplé à une cellule de séchage à plat, il faut essayer de pondérer la part des investissements pour le séchage en grange et le séchage à plat au prorata de leur utilisation annuelle prévisionnelle) :
(Annuités A + Annuités B)/ tonnage annuel de fourrage = coût d’une tonne de MS
A ce coût, il convient d’ajouter : le temps passé + le coût de fonctionnement (électricité, gasoil des engins de manutention le cas échéant) et éventuellement le coût de transport.
Cette démarche permet d’approcher grossièrement le coût de revient d’une tonne de fourrage séché.
Attention, si les tonnages séchés sont inférieurs au prévisionnel, cela fait augmenter le coût de revient à la tonne car les annuités, elles, sont incompressibles!
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Mise en garde: on s’attend souvent à ce que le coût de revient d’une tonne de foin séché en collectif ne coûte pas plus cher qu’un produit de substitution acheté à l’extérieur.
Il ne faut pas s’arrêter à la comparaison unique du coût de production par rapport au prix du marché d’un produit de substitution. Il faut aussi tenir compte de la baisse des charges induites sur les exploitations individuellement grâce au projet collectif (assolement et santé animale en particulier), ainsi que la visibilité et l’autonomie que cela prodigue aux installations, sans oublier les externalités positives de la mobilisation d’un collectif dans le contexte agricole local.
Chaque situation est unique est complexe dans des projets collectifs. Il faut, en tout état de cause, avoir une vision long terme du projet étant donné la masse des investissements structurels induits par le séchage en collectif: c’est une notion que toutes les parties prenantes doivent bien intégrer.
Une fois le coût estimé, il existe deux cas de figure:
- Le coût est acceptable pour le collectif → le projet peut se poursuivre et s’affiner. Attention, le moindre retrait/ajout d’une personne du collectif peut bouleverser l’équilibre. On peut ensuite se pencher sur des questions plutôt orientées urbanisme, organisationnelles, etc.
- Le coût est inacceptable pour le collectif → reprendre la démarche itérative, faire varier certains postes, sans jamais s’éloigner des objectifs initiaux
Quel que soit le projet, il est capital de rester cohérent avec les objectifs initialement fixés par le collectif, puis de se questionner sur les moyens (humains et financiers) pour atteindre ces objectifs: le projet est-il alors pérenne et viable économiquement ?
Exemple dans Luz’co
Projet « CUMA Luzerne de Bresse » : création d’une unité collective de séchage de fourrages
- Problématiques/opportunités identifiées :
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- Variabilité de la qualité des fourrages
- Poids élevé des charges d’aliments dans le coût de production du lait
- Opportunité de récupérer de l’énergie d’un méthaniseur voisin
- Formulation du projet :
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- 13 agriculteurs impliqués dans le projet, formalisé via la création d’une CUMA en 2011
- Investissement de 1.9 M€ : emprunt CUMA + subventions
- Premiers fourrages séchés en 2013
- Evaluation du point de vue de l’investisseur :
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- Technique
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- Productivité et qualité laitière maintenues, état sanitaire troupeau identique
- Pas d’augmentation de l’autonomie protéique
- Effets non chiffrables : luzerne bon précédent cultural
- Economique
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- Coût de production luzerne séchée > coût de production prairie temporaire
- Augmentation vente maïs grain compense baisse vente orge
- Pas (encore ?) de meilleure valorisation du lait ni de baisse des frais d’élevage
- Sociale
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- Recours à la CUMA permet de compenser la hausse du temps de travail consécutive à la mise en place de luzerne
- Modification des habitudes de travail
- Environnementale
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- Neutre à l’échelle de l’exploitation.
Témoignages
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