Pour pouvoir poser des objectifs d’accompagnement et identifier des ressources et dispositifs d’accompagnement adaptés il est important d’identifier les spécificités et les besoins d’accompagnement des collectifs en transition.

La quête d’autonomie, moteur du changement de pratiques

Objectif :

Se doter de clefs de lecture pour prendre en compte ce qui motive les agriculteurs dans l’évolution de leurs pratiques.

La quête d’autonomie des agriculteurs est un point commun relevé dans tous les groupes en transition et dans les différents réseaux de développement, même si les dimensions visées de l’autonomie sont très variées (décisionnelle, technique, économique…).

Clés de lecture :

Les travaux de thèse de Véronique Lucas, à partir de groupes d’agriculteurs en Cuma, montrent que l’agroécologie est rarement la motivation première qui guide les changements de pratiques. Les agriculteurs enquêtés auprès de six Cuma ne se revendiquent pas d’agroécologie, mais sont avant tout en quête d’autonomie dans un contexte marqué depuis des dizaines d’années par la volatilité des cours, les aléas climatiques. Leurs principales motivations pour engager le changement de pratique sont :

  • Réduire la dépendance aux opérateurs des marchés,
  • Mieux maitriser les conditions d’exercice du métier.

Ainsi, Véronique Lucas a pu identifier que :

  • De manière générales, les exploitants évoquent les raisons suivantes pour justifier leurs changements de pratiques : mieux valoriser leurs ressources (couverts, fourrages…), minimiser leurs charges, aboutir à une meilleure maîtrise technique du système.
  • Cette volonté d’autonomie conduit les agriculteurs à expérimenter de nouvelles pratiques agronomiques (développement des légumineuses, d’intercultures hivernales, diversification culturale, valorisation fourragère des intercultures, réduction du travail du sol, renforcement des interfaces culture/élevage).
  • Différents objectifs sont ainsi visés : l’autonomie alimentaire, la limitation des coûts, l’amélioration de la traçabilité de l’alimentation animale, l’allègement de la charge de travail, la réponse aux prescriptions environnementales, l’amélioration de la résilience climatique, l’amélioration de la qualité des intrants, etc…
  • Ces nouvelles pratiques impulsent différentes stratégies « techniques » : l’auto-approvisionnement (c’est-à-dire le fait d’auto-produire ses intrants), un meilleur usage des ressources internes, la diversification du système…

Ces quêtes d’autonomie amènent également à de nouvelles stratégies décisionnelles, de la part d’agriculteurs de plus en plus méfiants à l’égard des commerciaux et des organisations prescriptrices, qui se manifestent à travers la recherche d’approvisionnement via des groupements d’achat ou la diversification des sources d’information.

-> Ces travaux montrent ainsi que derrière des motivations exprimées qui peuvent être matérielles, les agriculteurs s’inscrivent dans des stratégies d’autonomisation qui sont également très stratégiques.

Pistes pour identifier les motivations et les attentes :

  • Identifier les attentes individuelles des agriculteurs qui s’engagent dans une démarche collective autour des légumineuses fourragères.
  • Animer un dialogue autour des attentes individuelles pour élaborer des indicateurs de satisfactions « collectifs » par rapport au projet.
  • Alimenter la construction d’un projet type GIEE.
  • Mettre en place un tableau de bord pour le suivi du projet et pour l’animation du collectif (y compris au-delà du projet).

 

Pour en savoir +

  • Plus d’infos sur le projet CAP VERT ici

La multi appartenance, l’appui des agriculteurs sur une multitude de groupes, collectifs ou réseaux

Cf. Travaux CAP VERT- travaux de Véronique Lucas

Objectif : Faire de cette multi-appartenance une force pour avancer collectivement

Au sein d’un même collectif, chaque agriculteur appartient à différentes coopérations locales, différents collectifs ou réseaux. Les agriculteurs sont très souvent membres de multiples collectifs facilitant l’évolution des pratiques (échanges de connaissances, productions communes de semences, échanges de type paille-fumier, copropriété, commercialisation, stockage et séchage…). Ils sont par ailleurs souvent accompagnés par plusieurs réseaux ou acteurs et vont puiser dans de multiples lieux les ressources dont ils ont besoin pour avancer.

Clés de lecture :

Les travaux d’étude menés dans CAP VERT avec les apports des travaux de thèse de Véronique Lucas ont permis de repérer deux grands types de configurations collectives sur lesquelles les agriculteurs s’appuient pour développer de nouvelles pratiques :

  • Les coopérations opérationnelles de proximité (ou arrangements de proximité) correspondant à toutes les pratiques de partage, d’échanges et de services mutuels entre différents agriculteurs voisins destinés à améliorer la gestion des ressources matérielles et du travail au service de l’activité de production. La Cuma n’est ainsi qu’un arrangement qui est complété par une multiplicité d’autres plus ou moins formels. Pour partager matériel, travail, salariés, foncier, intrants, bâtiments, les agriculteurs impliqués combinent des outils juridiques variés (GIE, groupement d’employeur, etc…), voire des arrangements plus informels (banque de travail, entraide, échange de semences ou paille-fumier, etc…).
  • Les groupes et réseaux de partage d’expériences et de production de connaissances. S’appuyant principalement sur le partage d’expériences entre pairs, ils existent à différentes échelles : locale (groupe de développement), supra local (réseaux professionnels thématiques), voire nationale (réseaux de développement agricole).

Pistes pour l’animation :

Rendre lisible les coopérations sur lesquels les agriculteurs s’appuient pour avancer dans leurs changement de pratiques autour des légumineuses fourragères permet :

D’alimenter les dialogues entre eux pour :
  • Connaitre les coopérations existantes,
  • En initier de nouvelles au service du projet et du groupe,
  • Echanger des expériences avec d’autres groupes,
D’appuyer l’animation :
  • Pouvoir croiser les expertises avec celles d’autres réseaux au service de l’accompagnement d’un groupe.

Un exemple d’outil à mobiliser
Grilles de catégorisation des arrangements de proximité entre agriculteurs A partir des travaux de Véronique Lucas

Cette grille permet de catégoriser la diversité des coopérations locales opérationnelles dans lesquelles des agriculteurs sont engagés et qui constituent des appuis pour l’évolution de leurs pratiques vers l’agroécologie, suivant deux entrées :

  • L’objet de l’arrangement : foncier, équipements, travail, ressources productives, commercialisation…
  • Le degré de formalisation de l’arrangement d’un collectif, pour servir de support à une mise en commun et analyse collective des coopérations dans lesquelles chaque membre reste engagé en vue de dégager des pistes d’approfondissement ou de nouvelles coopérations.
  • CAP VERT propose une séquence d’animation (Vivre et accompagner la transition agroécologique en collectif – p20).

Pour en savoir +

  • Plus d’infos sur le projet CAP VERT ici

La diversité comme une ressource au service de l’animation d’un collectif

Objectif :Faire de l’hétérogénéité un levier pour la dynamique collective.

Clés de lecture :
Le monde agricole est marqué par une diversité croissante, qui se retrouve d’autant plus au sein d’un collectif engagé dans la transition agroécologique que l’agroécologie ne préconise pas d’horizon uniforme ! Cette diversité est multiple : diversité des stratégies, des visions, des trajectoires (voir plus bas), des rythmes et leviers d’apprentissage.

La diversité (ou l’hétérogénéité) peut parfois être vécue comme une difficulté dans l’accompagnement d’un collectif. Mais elle peut être également vue comme une ressource, alors que l’homogénéité peut parfois être un frein….

Quel est le rôle de l’animateur ?
L’animation du collectif exerce une influence sur la façon dont le groupe peut tirer parti d’hétérogénéités favorables et surmonter des différences qui peuvent poser problème.

Les diversités au sein d’un collectif peuvent être des leviers de cohésion, notamment lorsqu’elle permet de générer des complémentarités bénéfiques pour chacun des membres et pour le projet collectif : échanges de services, de matières, mais aussi de connaissances à travers des apprentissages réciproques.

Mais les diversités peuvent aussi être vécues comme des problèmes pour le fonctionnement du groupe et l’avancée de son projet collectif : lorsque tous les membres ne se sentent pas concernés par un sujet de travail engagé en collectif, sentent leurs projets individuels diverger du projet collectif, lorsque certains se sentent exclus, marginalisés dans les échanges ou n’ont pas les mêmes attentes vis-à-vis de l’animation.
L’animateur peut chercher un équilibre entre les points communs et les diversités présentes dans le collectif en veillant à :

  • Prendre le temps, au moins pour soi, en tant qu’animateur, de comprendre et de qualifier ces différentes diversités, notamment celles qui concernent le groupe et son fonctionnement et celles qui concernent plus spécifiquement le projet collectif.
  • Travailler avec le groupe à identifier les plus values possibles de ces diversités, par exemple celles des multiples coopérations et collectifs dans lesquelles chacun est engagé (souvent méconnues des autres). Voir à ce titre les ressources autour de la multi appartenance.
  • Valoriser ces complémentarités issues de la diversité : complémentarités opérationnelles (échanges) et de connaissances (apprentissages réciproques…).
  • Accepter les controverses, élargir les sujets d’échange pour dépasser les conflits.

Pour en savoir +

  • Plus d’infos sur le projet CAP VERT ici

VIDEO - Le mot du sociologue

  • Eclairage vidéo sur la coopération entre agriculteurs hétérogènes de Véronique Lucas, sociologue et doctorante à la FNCUMA ici

Témoignages

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