… Mon système cultural
Comment j’insère des légumineuses fourragères dans mon assolement ?
Les légumineuses fourragères peuvent être cultivées en pure ou associées dans des prairies multi-espèces et constituent de très bonnes têtes d’assolement compte tenu de leurs capacités structurantes, nettoyantes et fertilisantes (voir point précédent). Cependant, pour bénéficier de ces effets positifs, les légumineuses fourragères s’implantent pour des durées moyennes de 3 à 5 ans.
Il est conseillé, du fait de leurs structures racinaires et des nodosités, de laisser une période de latence entre 2 cultures successives pouvant atteindre 5 à 6 ans pour faciliter les nouvelles implantations.
La réflexion rotation/assolement intègre plusieurs paramètres : objectif d’exploitation, destination des cultures (récoltée, enfouie…), potentiel pédoclimatique et contraintes de cultures (implantation, conduite, …). Des éclairages sont apportés dans les chapitres suivants sur les notions de conduite de culture, choix des différentes espèces…
Comment je conduis la culture ?
Quelques recommandations générales pour une implantation et une conduite de culture des légumineuses fourragères. Chaque espèce en pure ou en mélange possède des caractéristiques propres et peuvent faire varier les éléments présentés ici. Quelques ressources existantes sont présentées dans ce site pour plus de précisions. Vous trouverez également dans le chapitre 3, des exemples de programme de formation.
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Semis
2 périodes sont possibles pour les semis de légumineuses fourragères : au printemps ou en fin d’été / début d’automne. Cela fait partie des points d’ajustements entre la réflexion assolement et les conditions pédo-climatiques.
D’autres pratiques permettent de sécuriser l’implantation, ou de faciliter l’enchaînement des rotations, comme le semis des légumineuses fourragères en pur dans une céréale à paille. Il est conseillé pour une première implantation de privilégier des semences inoculées, notamment sur des sols dont le pH est inférieur à 6,5.
Le choix de la période d’implantation aura également un impact sur la densité de semis (20kg/ha pour un semis de printemps et 25kg/ha pour un semis de fin d’été).
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Désherbage
La phase d’implantation est sensible à la concurrence avec les adventices contrairement aux cultures déjà installées, qui, au contraire, ont un pouvoir assainissant. Il est donc conseillé de choisir une parcelle d’implantation propre pour limiter ces problèmes de concurrences.
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Fertilisation azotée
La fertilisation azotée n’est pas nécessaire dans les cultures de légumineuses fourragères en pure. Cependant, des apports en phosphore, potasse ou calcium peuvent être utiles au développement de la culture.
En mélange avec des graminées, un apport léger (30 à 50 unité/ha) peut être envisagé pour renforcer le développement du mélange.
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A la récolte
Il est conseillé de faucher le matin après la rosée à 6-7cm.
Il est conseillé de favoriser les manipulations aux heures les moins chaudes de la journée.
Ce sont les feuilles des légumineuses qui apportent les protéines dans les fourrages. Cependant, ce sont aussi les parties les plus fragiles et sensibles à la récolte. C’est pourquoi les opérations de fanage et d’andainage nécessitent une attention toute particulière et des matériels spécifiques (andaineurs à tapis par exemple).
En général, une culture de luzerne peut fournir 3 coupes de fourrages par campagne dont la première est souvent conservée en enrubannage ou en ensilage. Les autres coupes se valorisent bien en fourrage sec. Selon les parcelles et les conditions pédo-climatiques, il est possible de réaliser jusqu’à 5 coupes de luzerne par campagne. Il est possible d’augmenter les capacités de conditionnement de ces fourrages avec
le séchage en grange.
Il vaut mieux récolter trop tôt que trop tard. Une récolte précoce permet d’avoir une bonne valeur alimentaire du fourrage, un fourrage moins encombrant, et assure une bonne conservation.
Comment je valorise
- En fourrage, à destination des éleveurs
Les légumineuses fourragères sont reconnues pour leurs apports protéiques dans les rations animales. Ce bénéfice intéresse tout particulièrement les éleveurs laitiers (bovins, caprins et ovins). Cela en fait un débouché possible à construire entre exploitations de grandes cultures et exploitations d’élevage.
La dynamique collective peut sécuriser les modalités d’échanges, de commercialisation de ce débouché. De plus amples information ici
- Comme engrais verts
Les racines de la luzerne permettent un travail du sol en profondeur tout en apportant de l’azote. Pour être utilisé en engrais vert, il est conseillé de couper, broyer la luzerne et l’enfouir peu profondément.
… Mon système élevage
Comment choisir ses légumineuses fourragères au sein de son exploitation ?
Il faut définir les besoins de son exploitation (sécuriser le système fourrager, diminuer l’apport de concentré…) afin de déterminer la légumineuse à introduire. Elle doit être adaptée aux conditions et contraintes de l’exploitation et au mode de récolte envisagé.
Le choix sera raisonné en fonction de :
- La stratégie visée pour le troupeau ou l’utilisation des terres
- Des besoins du troupeau
- Du potentiel des parcelles, atouts et contraintes de l’exploitation
- Et des moyens de productions existants (matériel, main d’œuvre, savoir-faire…) ou disponibles / accessibles (ressources CUMA, appui de conseillers, entraide et groupes d’agriculteurs…).
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En pure :
La luzerne est une des seules légumineuse cultivées en « pure » pour l’alimentation animale:
Comme le montre le tableau, une forme de conservation ne peut pas répondre à tous les objectifs. Il convient d’être clair sur l’objectif de départ pour évaluer le degré de satisfaction de la pratique mise en œuvre.
Pour le Sainfoin, c’est ici
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En mélange multi-espèces :
Implantées pour une durée de 4 à 5 ans, les prairies multi-espèces (ex : lotier, trèfle blanc, trèfle violet) conviennent bien en tête d’assolement, en rotation avec des cultures, avec un maïs, puis une céréale (voir un mélange céréale- protéagineux) par exemple.
Les prairies multi-espèces sont donc une bonne solution dans une logique prioritaire de constitution de stocks. À utilisation dominante en fauche, elles sont destinées à l’alimentation des troupeaux et récoltées sous forme de foin, enrubannage ou ensilage, elles peuvent aussi être pâturées.
La luzerne étant une plante de taille dominante, il faut donc lui associer des graminées ayant une bonne force de concurrence.
Pour en savoir +
Pour le choix des légumineuses et mélanges prairiaux, c’est par ici :
Comment j’utilise les légumineuses fourragères dans ma ration ?
Les valeurs alimentaires optimales de la luzerne se situent lors du stade de bourgeonnement de celle-ci, plus la luzerne aura de fleurs, plus les valeurs alimentaires diminueront. Le mode de récolte et le stockage vont également influencer ces valeurs, une analyse de fourrage afin de bien caler la ration est nécessaire.
Table INRA Luzerne
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En pure :
L’exemple de la luzerne :
La luzerne est un fourrage riche en protéines, tandis que le maïs ensilage est riche en énergie. C’est pour cela qu’ils sont très complémentaires. L’introduction dans la ration des vaches laitières permet :
- d’économiser du concentré azoté : L’introduction de luzerne dans les rations complète très bien des fourrages riches en énergie et permet de diminuer l’usage de concentrés protéiques de type tourteaux (colza, soja, tournesol).
- diminuer les risques acidoses : L’apport de luzerne ensilée ou fanée apporte des paroies favorables à la rumination et un pouvoir tampon contribuant à la prévention et la réduction de l’acidose chez les ruminants.
- En bovins lait :
- L’introduction de luzerne peut pénaliser la production laitière et le TP si elle est distribuée en trop grande quantité. Dans ce cas, les baisses des performances s’expliquent par un effet de déconcentration de la ration en énergie. Afin d’éviter cela, l’apport de luzerne ne doit pas excéder 3 kg de MS par jour et par vache laitière. A l’inverse, si la volonté est de réduire la complémentation azotée, 4 à 5 kg de MS de luzerne complétés par 1 à 3 kg de céréales maintiendront les performances en élevage bovin laitier
- En bovins viande :
- Pour les génisses et les vaches, un foin en brins longs à 14% de MAT conviendra, tandis que pour l’engraissement il est conseillé un ensilage à 22% de MAT. En dessous de 20%, il faut un complément.
- En ovins :
- La luzerne est très appétente, elle peut être pâturée par les agneaux en croissance, ou bien consommée en enrubannage, riches en feuilles, par les brebis.
- En caprins :
- La luzerne est très appétente, elle peut être pâturée par les agneaux en croissance, ou bien consommée en enrubannage, riches en feuilles, par les brebis.
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En mélange :
Les légumineuses sont essentielles dans un système fourrager à base d’herbe, elles permettent :
- De sécuriser le système fourrager au pâturage et en stock hivernaux : Par l’étalement de la production fourragère dans le temps : le rendement des légumineuses est inférieur aux graminées en période printanière mais est supérieure en période estivale (la luzerne tolère des températures jusqu’à 40°C).
- Une bonne digestibilité : C’est un fourrage riche en azote et en énergie dont les valeurs alimentaires sont relativement stables dans le temps. L’appétence de l’herbe en sera augmentée : l’ingestion d’un Ray Gras Anglais +Trèfle Blanc sera toujours plus importante que celle d’un Ray Gras Anglais seul.
Chaque espèce, ainsi que ses valeurs alimentaires, sont détaillées sur le site du GNIS : sélectionner la légumineuse, et dans le menu à gauche son implantation, mode d’exploitation ansi que ses valeurs alimentaires…
Et quels impacts économiques pour mon exploitation ?
Prendre en compte les investissements spécifiques (matériel, stockage, travaux…) L’introduction de la culture de luzerne sur une exploitation peut donner lieu à des investissements spécifiques pour garantir une qualité optimale de la luzerne ; faucheuse-conditionneuse, andaineur, presse, séchage en grange….
Disposer d’une capacité de stockage suffisante, pour la conservation de la luzerne. De plus, il ne faut pas oublier que s’il y a une augmentation de la part de céréales autoconsommées, cela implique de disposer d’un espace de stockage suffisant pour les céréales également.
Intégrer les coûts supplémentaires : la substitution de prairies en graminées pures par des prairies d’association graminées + légumineuses devra être étudiée en intégrant les coûts de semis/sursemis, ajout de conservateurs d’ensilage, baisse de productivité de la prairie multi-espèces au fil des années (qui peut nécessiter une réduction du chargement à la pâture)…
L’utilisation de la luzerne dans une ration maïs à destination des vaches laitières peut diminuer le coût de la ration de 0 à 10 euros les 1000 litres selon la qualité de la luzerne. (Sources : Arvalis). Ainsi, l’intérêt économique de l’introduction de la luzerne dans les rations dépend étroitement de trois facteurs :
- La marge dégagée par les cultures initialement vendues et désormais autoconsommées, elle-même directement liée au prix de vente de ces cultures.
- Le prix d’achat des concentrés protéiques.
- Le coût de production de la luzerne comparé au coût de production du maïs fourrage dont chacun dépend du rendement de chacune de ces cultures.
Introduire des légumineuses fourragères impose des changements au niveau de l’exploitation, cela peut également s’envisager dans le cadre d’un collectif d’agriculteurs qui :
- favorise le partage de connaissances et l’appropriation des techniques de conduite des cultures
- permettent la mise en commun des moyens de production (matériels, foncier, main d’œuvre …) et de valorisation. Pour en savoir plus, se rendre au chapitre 2
En savoir +
Généralités sur les légumineuses :
- La luzerne une plante mondiale, www.luzernes.org
- Les légumineuses pour des systèmes agricoles et alimentaires durables, édition QUAE, 2015, http://agriculture.gouv.fr
- La luzerne, production et valorisation, Chambre d’Agriculture Calvados, 2013
- La luzerne : alimentation et conduite, cap élevage, juillet août 2013
- La luzerne en agriculture biologique, Chambre d’Agriculture Bretagne, décembre 2011
Prairie multi-espèces :
Autonomie alimentaire :
Et pour aller plus loin, des solutions collectives au développement des légumineuses fourragères à découvrir ici !
Témoignages
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